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Pour apprendre à penser clairement, à connaître la littérature de son pays, et à s’exprimer correctement, il n’y a qu’un moyen. Jeter d’abord au feu les grammaires savantes, les recueils de morceaux choisis, les résumés des manuels et surtout les dissertations des commentateurs, puis lire et relire une centaine de chefs-d’œuvre classiques. Pour le prix de deux ou trois de ces grammaires savantes, de ces traités de rhétorique insupportables avec lesquels on déprime aujourd’hui la jeunesse, les bibliothèques à 0 fr. 25 le volume donneraient à l’élève une centaine de chefs-d’œuvre des auteurs classiques anciens et modernes. Avec deux cents volumes on aurait une bibliothèque très complète. Le professeur pourrait alors se borner à faire analyser, non pas des analyses, mais bien ce que l’élève a lu, et les compositions consisteraient uniquement à traiter un sujet déjà traité par un écrivain, une simple anecdote, par exemple. Le professeur montrerait ensuite, ce que d’ailleurs la plupart des élèves apercevraient très bien eux-mêmes, la différence entre leur style et celui des grands auteurs. La comparaison leur apprendrait à se rectifier. Ils verraient vite les phrases longues et enchevêtrées, les épithètes trop abondantes, les idées mal enchaînées, etc. Par des corrections successives, l’élève arriverait rapidement et inconsciemment à modifier son style, à trouver le mot juste, à préciser ce qui était confus. Je n’insiste pas d’ailleurs sur une méthode trop simple et beaucoup trop efficace pour être jamais appliquée par l’Université, mais que chaque élève peut heureusement appliquer tout seul. Pendant de longues années encore, les Universités latines donneront au monde le grotesque