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habitions, je lui demandai où il pouvait bien aller seul dans une localité aussi mal fréquentée. Après quelques moments d’hésitation, il me répondit en rougissant que, ne possédant pas encore assez de sang-froid et d’empire sur ses nerfs, il allait s’exercer tous les soirs à en acquérir. Ce fut indirectement que je sus la nature de cet exercice. Il consistait à se poster au fond d’un ravin absolument désert et où l’on ne pouvait espérer aucun secours, pour guetter à l’affût le tigre quand il vient se désaltérer. L’attente peut durer des heures ou même une nuit entière sans succès. Pendant tout ce temps, on tâche de réfléchir sur l’utilité de dominer ses nerfs, car, lorsque le tigre a paru, on a juste deux ou trois secondes pour le viser à la tête et le tuer net. Si on se borne à le blesser, on est infailliblement perdu. L’exercice est évidemment fort chanceux, mais, après s’y être livré quelque temps, on est sûr de soi-même et on ne redoute rien dans la vie. Quand une nation possède beaucoup d’hommes ainsi trempés, elle est destinée à dominer le monde.

Développement de la persévérance et de la volonté. — De telles qualités sont le plus souvent héréditaires et ne s’acquièrent pas facilement. On peut cependant les développer quelque peu par l’éducation. Il n’y a d’autre méthode à employer que de placer le plus souvent possible l’élève dans des circonstances où il ait à réfléchir avant de se décider et de l’obliger, quand il a pris une résolution, à l’exécuter complètement. S. Blakie rapporte que le poète Wordsworth, ayant un jour résolu de faire une excursion dans une montagne, la continua malgré un violent orage, don-