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Quelques professeurs ont cité les désastreux effets de cette surveillance tatillonne de toutes les minutes à laquelle sont soumis les élèves. Voici comment s’exprime à cet égard le Père Didon.

L’enfant qui se sent soumis à une surveillance de tous les instants est tenté de se tenir toujours sur ses gardes, et ce principe de la défiance est un des plus dangereux de l’éducation. Il amène la compression, l’oppression ; et c’est lui qui produit les passifs et les esclaves, les révoltés et les finauds qui, eux, échappent toujours à la surveillance en la bravant ou en la trompant[1].

Dès qu’il ne sent plus cette surveillance autour de lui, l’enfant se croit tout permis. Les parents s’en aperçoivent vite. L’enfant ne les respecte guère, alors que chez l’Anglais l’autorité paternelle est quelque chose d’immense qui n’est même pas discuté. La déférence des enfants pour les parents diminue de plus en plus chez les Latins.

Lorsque j’étais au lycée, les enfants osaient à peine parler, sans autorisation, à la table de leur père ; quel changement ! aujourd’hui, les pères laissent les enfants exprimer leur opinion sur toutes choses et se taisent même volontiers pour les laisser parler, sinon pour les admirer. La fermeté paternelle a donc beaucoup faibli depuis quelques années, mais les parents veulent l’autorité chez ceux à qui confient l’éducation de leurs enfants. On a diminué l’autorité des chefs d’établissement au moment où elle était le plus nécessaire ; on a relâché la discipline chez nous au moment où on aurait dû la relever[2].

Si les parents français ne savent pas se faire respecter de leurs enfants, il y a certes beaucoup de leur faute. Ils se familiarisent trop avec eux pour avoir aucun prestige.

Pour ma part, je ne crois pas que l’enfant soit naturellement bon. Il est méchant et, avant de s’en faire aimer, il faut s’en

  1. Enquête, t. II, p. 459. Père Didon, professeur à l’école d’Arcueil.
  2. Enquête, t. I, p. 557. Dalimier, professeur au lycée Buffon.