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une armée indigène de bons contremaîtres et de bons fermiers choisis parmi les jeunes gens intelligents et laborieux.

Nos colonies ne rapportent rien, dit-on ! Précisément parce que nous nous empressons d’immobiliser ceux-là seuls, qui pourraient produire et les enrichir[1].

Nous touchons ici à un des points les plus fondamentaux de la question des réformes de l’enseignement. Les classes dirigeantes n’en comprennent aucunement l’utilité. Elles ne voient pas que notre enseignement classique — sous toutes ses formes — n’est plus en rapport avec les besoins de l’âge actuel, que sa triste insuffisance et l’absence d’enseignement professionnel sont les causes de notre profonde décadence industrielle, commerciale et coloniale.

La bourgeoisie française ne comprend pas l’évolution du monde moderne et par conséquent ne pourra pas l’aider. Les réformes, filles de la nécessité, se feront à côté d’elle, sans elle, et naturellement contre elle.

C’est surtout à notre Université que l’évolution économique actuelle du monde échappe entièrement. Figée dans de vieilles traditions, les yeux fixés sur le passé, elle ne voit pas qu’avec les progrès des sciences et de l’industrie, le rôle des grammairiens, des rhéteurs, des érudits et de toutes les variétés connues de vains parleurs, s’efface chaque jour davantage. Le monde moderne est gouverné par la technique, et la supériorité appartient à ceux qui, dans toutes les branches des connaissances, sont le plus versés dans la technique. On a essayé, mais sans grand succès, de le faire comprendre à la Commission d’enquête.

En 1870, nous avons été vaincus par un ennemi qui, au point de vue militaire, était plus scientifiquement organisé que nous.

  1. France de demain, 15 janvier 1902.