Page:Le Bon - Psychologie de l’Éducation.djvu/193

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je viens de voir dans un journal allemand la toute récente statistique des gymnases et des écoles réales de Prusse. Il y a seize ans, en 1882, le nombre total des élèves recevant l’instruction sans le latin étattde 12.000 contre 120.000 recevant l’éducation latine et grecque. Aujourd’hui, — grâce à une série de réformes qui ont consisté à multiplier les types intermédiaires, à avoir des établissements très divers dans lesquels il est fait soit beaucoup, soit un peu, soit pas du tout de latin, les uns avec du grec, les autres sans — la proportion des élèves qui font des études secondaires, classiques ou demi-classiques, sans grec et sans latin, sur 150.000 élèves en tout s’est élevée à 65.000 contre 86.000 qui ont gardé le type classique traditionnel[1].

En Allemagne, nous l’avons dit, il y a des établissements spéciaux pour chaque genre d’enseignement, gymnases, réalgymnases, écoles réates, écoles techniques ; rien n’est mêlé et chaque genre d’enseignement a ses sanctions et ses débouchés propres ; c’est là le secret du succès des Allemands. En France, au contraire, on veut ouvrir toutes les carrières à tous, en dépit des différences d’instruction et d’éducation, par conséquent de capacité générale. Les carrières doivent être sans doute, accessibles à tous, mais sous de communes conditions de préparation suffisante et d’aptitude suffisante. Au lieu de tout confondre et égaliser, les autres pays, Allemagne, Autriche, Angleterre, États-Unis, Italie, etc., distinguent et classent hiérarchiquement[2].

Toutes ces critiques ont été répétées devant la Chambre des Députés, à propos de la discussion de la réforme qui aboutit à de si médiocres résultats. M. Massé s’est exprimé de la façon suivante :

En dépit des transformations, apportées au régime des lycées et collèges, en dépit des modifications introduites dans nos programmes, notre enseignement secondaire et supérieur continuera, comme par le passé, à former uniquement des fonctionnaires, si vous ne permettez pas à l’enseignement primaire et à l’enseignement professionnel de le pénétrer davantage.

Plus d’hommes se consacreraient au commerce, à l’industrie, à l’agriculture, aux colonies, si les études primitives qu’ils ont faites avaient dirigé de ce côté leur activité. Ils sollicitent des emplois du Gouvernement parce qu’en dehors, des fonctions publiques, leurs facultés resteraient sans emploi. Et, cependant,

  1. Enquête, M. Buisson, t. I, p. 439.
  2. Enquête, Fouillée, t. I, p. 276.