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Tacite pour prendre les sentiments de Thraséas et d’Helvédius Priscus ». Seules, des cervelles d’universitaires peuvent enfanter des raisonnements d’une aussi pauvre psychologie. Tous nos jeunes élèves seraient des héros pleins de hardiesse s’il leur suffisait de lire les exploits des grands hommes pour acquérir lenrs sentiments. En admettant même l’invraisemblable conception que des lectures puissent posséder une telle vertu, pourquoi la perdraient-elles par une traduction que chacun comprendrait aisément alors que les originaux restent incompréhensibles pour l’immense majorité des écoliers ?

Laissons entièrement de côté la question utilitaire peu négligeable cependant à l’âge actuel, et demandons-nous s’il n’y a pas d’autres connaissances possédant une vertu éducative supérieure à celle du latin. Dans un discours prononcé devant la Chambre des députés à propos de la réforme de l’enseignement, M. Massé répondait à cette question dans les termes suivants :

Les humanistes, dont tout à l’heure M. le Ministre s’est fait l’interprète, combattent cette évolution en invoquant les qualités éducatives des langues mortes, seules susceptibles, selon eux, de former le cœur et de donner une large culture intellectuelle. Mais les sciences n’ont-elles pas, elles aussi, leur vertu éducative, et l’étude des grandes lois de la nature, des phénomènes physiques et chimiques auxquels nous assistons, des révolutions dont notre globe a été le théâtre, l’évocation des espèces disparues, le lien qui unit les sciences entre elles et qui constitue l’objet même de la philosophie, tout cela n’est-il point de nature à former le cœur des jeunes générations ? Quant à l’esprit, sera-t-il moins fortement trempé lorsque, au lieu d’étudier les abstractions de la logique, il aura employé successivement les différents modes de raisonnement, la déduction dans les mathématiques, l’induction dans les sciences physiques et naturelles[1] ?

  1. Séance du 13 février 1902 ; p. 632 de l’Officiel.