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plus forts sont à peine capables de traduire en deux heures et à coups de dictionnaire une page d’un auteur facile.

Les dépositions de l’enquête vont, d’ailleurs, nous éclairer sur l’utilité des langues qui forment encore la base de l’éducation classique et à l’étude desquelles tant d’années précieuses sont consacrées.

L’argument le plus invoqué en faveur du grec et du latin, celui auquel on revient toujours, est la mystérieuse « vertu éducative » que posséderaient les langues mortes. Cet argument d’ordre sentimental impressionne toujours les cerveaux faibles par le fait seul qu’il a longtemps servi.

On peut prévoir cependant qu’il ne servira plus beaucoup, car des autorités fort compétentes se sont chargées d’y répondre devant la Commission d’enquête, en montrant que la fameuse « vertu éducative » des langues anciennes réside tout autant dans les langues modernes, qui possèdent au moins le mérite de l’utilité. Voici, d’ailleurs, les parties les plus saillantes de ces dépositions :

Les versions grecques et latines sont certainement, je n’en disconviens pas, une très bonne gymnastique intellectuelle. Pourquoi ? Parce qu’elles habituent les enfants à détacher les idées des mots et les objets des signes ; paroe qu’elles les forcent, par le fait, à réfléchir sur les choses elles-mêmes et, en même temps, sur leurs diverses représentations nominales ; mais le bénéfice de ce travail cérébral se retrouve, à très peu de chose près, dans la version allemande, anglaise, italienne[1].

J’ai eu un second prix de discours latin au concours général. Il m’est donc permis, ce me semble, de parler librement de l’enseignement classique et de ses résultats. Or, j’estime qu’on peut initier les élèves de l’enseignement moderne aux idées antiques, à la beauté antique, d’une façon bien plus rapide, plus

  1. Enquête, t. II, p. 673. Raymond Poincaré, ancien ministre de l’Instruction publique.