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des terrains pour les jeux, une piscine, un manège, des jardins, l’espace dans le plein air, sur une hauteur salubre, toutes les conditions d’isolement propres au développement d’une forte et saine éducation. Lakanal non plus n’a rien à envier aux établissements d’Angleterre les plus justement renommés. Eh bien, Michelet est pour nous une inquiétude. Pendant plusieurs années il s’est développé. Il a perdu, il perd encore, quoique moins sensiblement. Quant à Lakanal, il a de la peine à se peupler. Ce n’est pas au surplus une situation propre à Paris. Les petits lycées de Talence à Bordeaux, de Saint-Rambert à Lyon, de la Belle-de-Mai à Nice, n’ont pas meilleure fortune. Évidemment, ce mode d’éducation n’est point pour le moment en faveur[1].

Voyez les trois établissements de cette région : l’État, représenté par le lycée Lakanal, l’enseignement libre, intermédiaire entre l’État et les maisons religieuses, représenté par Sainte-Barbe-des-Champs, et, tout à côté, les Dominicains d’Arcueil.

Or, aucun de ces trois établissements n’a pu résister à cette sorte de répugnance que les familles ont aujourd’hui à envoyer leurs enfants à la campagne.

Voilà trois établissements tout à fait différents, dont pas un n’a échappé à cette sorte de désertion des familles.

Et la crise continue, en dépit des réformes de Sainte-Barbe et malgré les efforts du P. Didon, qui s’est transporté à Arcueil pour essayer de donner lui-même une nouvelle impulsion à l’établissement des Dominicains.

L’établissement de Marseille a atteint le chiffre de 1.683 élèves ; mais le petit lycée, construit avec tous les perfectionnements modernes, a toujours été en décroissant ; à Bordeaux également, cette crise existe, comme partout ailleurs. Je citerai encore le cas du lycée de Vanves, qui n’est pas non plus en prospérité[2].

Et c’est ainsi qu’en pénétrant dans le détail des projets de réforme que chacun propose et qui semblent au premier abord d’une réalisation si facile, nous voyons se dresser ce mur inébranlable des facteurs moraux, que les rhéteurs ne soupçonnent pas, et qui rendent vains leurs beaux discours. Ce sont les ressorts invisibles du monde visible. L’heure ne paraît pas prochaine où nous serons soustraits à leur empire.

  1. Enquête, t. I, p. 11. Gréard, vice-recteur de l’Académie de Paris.
  2. Enquête, t. II, p. 350. Morlet, censeur à Rollin.