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instruit. Pratiquement il est réduit au rôle pénible de simple surveillant. Méprisé par les professeurs, détesté par les élèves, tenu en défiance par le proviseur, il mène l’existence la plus dure et la plus ingrate qu’on puisse rêver.

Une difficulté presque insoluble, est celle du maître d’études. C’est lui qui vit réellement avec les élèves, qui donc pourrait devenir leur éducateur ?

C’est un subordonné, qu’on ne paraît pas apprécier beaucoup, envers lequel, s’il le rencontre, le professeur se croit quitte quand il lui a envoyé un petit salut. Les relations des élèves avec les répétiteurs se ressentent des relations des répétiteurs avec les professeurs ; les répétiteurs ont, à leurs yeux d’enfants, une infériorité marquée, ce sont des hommes sans prix. Au contraire, une autorité morale très grande est indispensable à celui qui veut donner une éducation[1].

Parmi eux il s’en rencontre parfois qui sont désireux d’être utiles aux élèves. L’Administration les guérit vite de pareilles fantaisies.

Je connais beaucoup de maîtres d’études qui ne demanderaient pas mieux que de bien faire, mais c’est toujours difficile de bien faire. Il m’est arrivé d’envoyer de ces jeunes gens dans les lycées, et je leur disais qu’il n’y a pas de petite besogne, que leur besogne est extrêmement importante, capitale même dans un établissement d’enseignement secondaire ; ils arrivaient pleins de zèle, d’ardeur ; ils s’efforçaient de faire une discipline morale, de connaître les élèves, de les attacher à eux et d’agir par des procédés éducateurs. Mais aussitôt l’inquiétude s’emparait de l’Administration, on disait : il ne fait pas comme les autres, c’est un mauvais esprit et parce que ce garçon arrivait plein de zèle et n’aspirait qu’à bien faire, on se débarrassait de lui[2].

Tant que les trois dernières lignes qui précèdent resteront l’expression de la vérité, l’instruction et l’éducation des jeunes Français demeureront au bas degré où nous les voyons aujourd’hui.

  1. Enquête, t. II, p. 650. Rocafort, professeur de rhétorique au lycée de Nîmes.
  2. Enquête, t. I, p. 268. Séailles, professeur à la Sorbonne.