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Elles lui laissent une mentalité très déformée. Ne connaissant rien du monde ni des nécessités qui le mènent, il vivra toujours dans le chimérique et irréel.

Les professeurs de l’Université constituent une caste dont les contours sont aussi arrêtés que celle des militaires et des magistrats. L’uniformité des programmes qu’ils ont dû subir leur donne des pensées identiques et des façons non moins identiques de les formuler. Très indifférents au fond des choses, ils n’attachent guère d’importance qu’à la façon de les exprimer. Ils redoutent fort les opinions nouvelles et ne s’y rallient que lorsqu’elles sont approuvées par des maîtres d’une autorité reconnue, acceptant alors sans difficulté les opinions les plus extrêmes. Leurs rares tentatives d’originalité n’aboutissent le plus souvent qu’à donner une forme paradoxale à des idées fort banales.

Ce qu’ils savent le mieux, c’est compliquer les choses les plus simples, et c’est ce qui rend leur enseignement si mauvais. M. Léon Bourgeois a su le dire, bien qu’en termes un peu voilés, devant la Commission d’enquête.

Il y a certaines manières de « faire la classe » que j’admire et que je redoute en même temps. Je parle de beaucoup de professeurs distingués, brillants même, qui y mettent toute leur ardeur et tout leur talent. C’est une occasion pour eux de se distinguer personnellement, en suivant et en faisant valoir leurs propres goûts, devant quelques élèves d’élite auxquels ils se communiquent. Mais les autres, dont nous avons cependant la charge ? Certes, ces professeurs sont très aimés de tous les élèves : ils laissent tranquilles les médiocres et les mauvais, et les forts sont ravis d’un maître dont ils semblent partager un peu la renommée. Je ne puis m’empêcher de penser que le but de l’enseignement public, qui doit s’adresser à tous, est mieux atteint, et le profit pour l’État encore plus considérable, lorsqu’un