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de danses dans ce drame chorégraphique, mais toujours justifiées par l’action : Danses d’esclaves pour distraire Mirra de sa tristesse, danses sacrées dans le temple. Rompant avec l’usage traditionnel, Viganô ne craignit pas de faire évoluer le corps de ballet face à la statue du Dieu placée sur le côté du théâtre en sorte que les danseurs se présentaient de flanc aux regards des spectateurs. L’intrigue passionnée bouleversa tous les assistants. « Alfieri dans Mirra, écrit Ferrario, Shakespeare dans Othello ne pourraient jamais, par le secours de leurs vers sublimes et de leurs dialogues, faire verser tant de larmes ni remplir les cœurs d’autant d’horreur et d’épouvante que ne l’a fait ce grand chorégraphe avec ces inimitables ballets (I). »

Le succès de Dédale s’explique moins aisément. L’action en est obscure, mais quelques scènes d’un effet grandiose suffirent à assurer un triomphe à Viganô. Ce ballet lui avait coûté des peines infinies. Stendhal écrivait à de Mareste le 5 janvier 1818 : «On a été sur le point de mettre en prison Viganô. Cet homme de génie ne sait pas composer sur le papier. Il a commencé Dédale et Icare le 4 août et l’a fini le 25 décembre, en faisant répéter de dix heures du matin à quatre heures après minuit.» t ; On admira beaucoup, au 2*^ acte, l’atelier de Dédale. De jeunes sculpteurs y travaillaient en cadence à dégrossir des blocs de marbre tandis que l’enfant Icare se jouait parmi les œuvres ébauchées. On applaudit surtout le finale de cet acte, lorsque Dédale fait tramer par ses élèves l’image monstrueuse du taureau dans les flancs de laquelle s est cachée la reine Pasiphaé. Une belle estampe de Sanquirico nous a conservé ce tableau d’une variété et d’une ingéniosité de composition extraordinaires. Le dernier acte qui se passait à la cour de Neptune, faisait la joie de Stendhal : « Rien moins que des poissons dansants dans un palais de madrépores et de corail ! C’est magnifique et surtout singulier, mais ne peut pas se comprendre à Paris. Cela convient à mes nerfs et m’occupe pendant huit jours (2). « Par la suite, les ballets russes nous ont montré de semblables magnificences sous-mannes dans Sadko et nous ne trou-

1) Costume di tutti i popoli, cité par Ritorni, p. 149. 2)Lettre à De Mareste du 6 janvier 1818.