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que cette suprématie de la tension, et ce ravissement dans le plus agile que l’on puisse obtenir de soi-même, ont les vertus et les puissances de la flamme ; et que les hontes, les ennuis, les niaiseries, et les aliments monotones de l’existence s’y consument, faisant briller à nos yeux ce qu’il y a de divin dans une mortelle ?

PHÈDRE

Admirable Socrate, regarde vite à quel point tu dis vrai !… Regarde la palpitante ! On croirait que la danse lui sort du corps comme une flamme !

SOCRATE

Ô Flamme !…

— Cette fille est peut-être une sotte ?…

Ô Flamme !…

— Et qui sait quelles superstitions et quelles sornettes forment son âme ordinaire ?

Ô Flamme, toutefois !… Chose vive et divine !…

Mais qu’est-ce qu’une flamme, ô mes amis, si ce n’est le moment même ? — Ce qu’il y a de fol, et de joyeux, et de formidable dans l’instant même !… Flamme est l’acte de ce moment qui est entre la terre et le ciel. Ô mes amis, tout ce qui passe de l’état lourd à l’état subtil, passe par le moment de feu et de lumière…

Et flamme, n’est-ce point aussi la forme insaisissable et fière de la plus noble destruction ? — Ce qui n’arrivera jamais plus, arrive magnifiquement devant nos yeux ! — Ce qui n’arrivera jamais plus, doit arriver le plus magnifiquement qu’il se puisse ! — Comme la voix chante éperduement, comme la flamme follement chante entre la matière et l’éther, — et de la matière à l’éther, furieusement gronde et se précipite, — la grande Danse, ô mes amis, n’est-elle point cette délivrance de notre corps tout entier possédé de l’esprit du mensonge, et de la musique qui est mensonge, et ivre de la négation de la nulle réalité ? — Voyez-moi ce corps, qui bondit comme la flamme remplace la flamme, voyez comme il foule et piétine ce qui est vrai ! Comme il détruit furieusement, joyeusement,