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SOCRATE

Ou qu’elle cède à quelque noble destinée !

ÉRYXIMAQUE

Regarde ! Regarde !… Elle commence, vois-tu bien, par une marche toute divine : c’est une simple marche circulaire… Elle commence par le suprême de son art ; elle marche avec naturel sur le sommet qu’elle a atteint. Cette seconde nature est ce qu’il y a de plus éloigné de la première, mais il faut qu’elle lui ressemble à s’y méprendre.

SOCRATE

Je jouis comme personne de cette magnifique liberté. Les autres, maintenant, sont fixes, et comme enchantées. Les musiciennes s’écoutent, et ne la perdent pas de vue… Elles adhèrent à la chose, et semblent insister sur la perfection de leur accompagnement.

PHÈDRE

L’une, de corail rose, et curieusement ployée, souffle dans un énorme coquillage.

ÉRYXIMAQUE

La très longue flûtiste aux cuisses fuselées, et l’une à l’autre étroitement tressées, allonge son pied élégant dont l’orteil marque la mesure… Ô Socrate, que te semble de la danseuse ?

SOCRATE

Éryximaque, ce petit être donne à penser… Il assemble sur soi, il assume une majesté qui était confuse dans nous tous, et qui habitait imperceptiblement les acteurs de cette débauche… Une simple marche, et déesse la voici ; et nous, presque des dieux !… Une simple marche, l’enchaînement le plus simple !… On dirait qu’elle paye l’espace avec de beaux actes bien égaux, et qu’elle frappe du talon les sonores effigies du mouvement. Elle semble énumérer et compter en pièces d’or pur, ce que nous dépensons distraitement en vulgaire monnaie de pas, quand nous marchons à toute fin.