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mière fois Rienzi, ne possédait que de précaires ressources chorégraphiques; aussi avait-il dû se contenter de deux petites danseuses « qui exécutaient un certain temps des pas (1) stupides » ; après quoi apparaissait une maigre troupe de soldats, imitant, avec leurs boucliers posés sur leurs têtes, la vieille « tortue » romaine ; enfin le maître de ballet et son acolyte, en mail- lots couleur chair, sautaient sur ce toit de boucliers oij ils s’épuisaient en cabrioles, images (à leur sens) des exploits de gladiateurs. « C’était le moment où le théâtre éclatait toujours en applaudissements ». Tannhâuser, on l’a vu, faillit pât’r de la même compromission. Mais, plus conscient de ses buts de guerre artistiques, Wagner sut s’y dérober ; et c’est à la lumière de ses principes chorégraphiques personnels qu’il explique longuement ce qu’est au juste le « ballet « dans la scène du Venus- berg : « Il est encore un point important à indiquer au régisseur ; c’est la réalisation de la première scène de l’opéra, de la danse (si je puis ainsi dire) du Venusberg. Qu’il ne s’agisse point d’une danse semblable à celle de nos opéras et de nos ballets habituels, cela va sans dire : d’ailleurs le maître de ballet, que l’on chargerait d’exécuter une telle danse sur cette musique, aurait vite fait de nous détromper et de déclarer que la musique ne s’y prête pas. Ce que j’ai en vue, au contraire, c’est de mettre en œuvre toutes les ressources possibles de la danse mimée : un chaos sauvage et séducteur de groupes et de mouvements, de mollesse et de langueur jusqu’à l’explo- sion débordante d’une joie déchaînée. Le problème, certes, n’est pas aisé à résoudre, et l’impression chaotique que je désire ne peut s’obtenir qu’au prix d’un agencement minutieux des détails les plus menus. Sur la partition le cours de cette scène sauvage est indiqué avec précision dans ses points essentiels, et je dois prier celui qui la montera d’observer exac- tement, malgré toute la liberté d’interprétation que je lui laisse, les points de repère fixés ; une audition fréquente de la musique est le meilleur moyen de lui suggérer les idées nécessaires à la réalisation de cette scène (2). » Il s’agit donc non d’une danse qui aurait sa fin en soi, mais d’une danse (1) En français dans le texte. (2) Sur la mise en scènedeTannKàmtrip. 148). — Fidde à son rêve de la fraternité des arts, Wagner, dans le paragraphe suivant, envisage les rapports de cette danse avec les décors.