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avant deux — Ronde — Chaîne anglaise[1] ? Ce que les dilettantes moyens appellent « mélodie », n’est-ce pas, au vrai, une musique conçue sous cette forme[2] ? En sorte que si Wagner ne comprend pas l’opéra parisien, c’est, conclut-il avec une insolente désinvolture, pour ne savoir pas danser la contredanse.

Mais Rienzi, cette œuvre qu’un sous-titre imprudent dénonce comme un Grand Opéra tragique, cette œuvre dont Wagner disait qu’il y avait vu son sujet « à travers les lunettes de l’opéra », ce Rienzi ne contenait-il point lui-même un de ces ballets exécrés ? Et ce ballet pitoyable n’était-il pas le seul passage de l’œuvre qui plût au Roi de Prusse ? Et, disgrâce suprême, ne fit-on point un soir, au théâtre de Darmstadt, de nombreuses coupures dans les premiers actes, pour donner plus d’ampleur à cette parade de saltimbanques ? À un demi-siècle de distance, Wagner en rougissait encore[3]. Mais il n’est pas de ceux que l’on prend sans vert ; et, non sans adresse, il réussit à expliquer comment ce malencontreux ballet de Rienzi, bien loin de représenter une concession à la formule du grand opéra, était ordonné, exigé par la marche du drame même : au cours de l’action, Rienzi était obligé de donner une fête au peuple, et pour l’illustration de cette fête Wagner avait choisi l’épisode de Lucrèce et de Tarquin. Malheureusement cette pantomime grandiose était remplacée, sur tous les théâtres qui jouaient l’opéra, par un ballet régulier[4]. « C’était, se hâte de remarquer Wagner (mais en note seulement), c’était me faire gravement tort ; car ce ballet faisait méconnaître la noblesse de mes intentions, et ravalait la scène au niveau du grand opéra conventionnel ». Mais nécessité fait loi, et il avait été contraint d’écrire pour ce ballet indispensable une musique « d’une étonnante faiblesse » dont il « rougissait sincèrement ». Dresde, où avait été représenté pour la pre-

  1. Souvenirs sur Auber (p. 50).
  2. Musique de l’Avenir (p. 125).
  3. Ma Vie (2e partie, p. 37).
  4. Communication à mes amis (p. 259).