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Les premières loges avaient des titulaires portant des noms illustres : marquise de Gontaut-Biron, Mmes de Vatry, Schickler, James de Rothschild, les duchesses de la Rochefoucauld, d’Istrie, de Trévise, d’Albuféra, de Dino, etc… La grande avant-scène de gauche formait la loge royale, celle d’en face appartenait à la marquise Aguado, toujours entourée des plus jolies femmes de la colonie espagnole. La grande baignoire de gauche du rez-de-chaussée était dite : Loge infernale, parce que ses abonnés, membres importants du Jockey-Club, déchaînaient à leur gré bravos ou sifflets : c’étaient, sous Louis-Philippe, MM. d’Albon, de Gontaut-Biron, Frédéric de Lagrange, Achille Bouchez, Lherbette, Auguste Lupin, Paul Daru, etc… En 1837, lorsqu’on apprit le départ de Taglioni, ses partisans projetèrent une grande manifestation où l’on réclamerait la tête de Duponchel, l’affreux directeur qui… Une tête d’homme coupée — en carton — serait jetée sur la scène par les lions de la loge infernale. La salle était comble, les Elssléristes triomphaient bruyamment, la famille royale assistait à la représentation d’adieux de Taglioni. Une clameur part de l’orchestre : « La tête de Duponchel ! La tête de Duponchel ! » Avant que les lions aient eu le temps de faire le geste symbolique, un aide-de-camp du roi entre dans leur loge, les supplie, au nom de la reine, de renoncer à leur macabre plaisanterie. Le régicide Meunier devant être exécuté le lendemain, Marie-Amélie s’épouvantait à l’idée de voir un simulacre de tête tranchée rouler sur la scène. Les lions s’empressèrent de déférer à son vœu, et le lendemain le roi signait la grâce de Meunier.

Nestor Roqueplan affirme qu’il n’y eut jamais de loge infernale à l’Opéra : sauf la loge de l’Empereur et la loge voisine, réservée pour la Maison de celui-ci, sauf les deux loges en face et les deux avant-scènes du rez-de-chaussée, toutes les loges d’avant-scène, prétend-il, étaient occupées par des hommes, et organisées en omnibus, c’est-à-dire partagées entre plusieurs souscripteurs, dont un seul était titulaire : « On n’y a jamais tenu de conciliabules infernaux… J’ai compté, il est vrai, parmi les abonnés d’une de ces loges ; on y put remarquer souvent, au nombre des plus assidus et des plus voyants, Balzac, naïvement heureux de montrer au public la pomme de sa fameuse canne. C’était la mode alors de