Parmi eux, j’avais remarqué, dès le premier jour du voyage, un vieillard de haute stature, à la démarche assez alerte encore, au maintien très digne et à l’air affable. Je finis par apprendre que c’était un grand industriel de Québec, retiré des affaires. Il parlait le français avec une pureté d’accent et une élégance de tournures qui ne laissèrent pas que de m’étonner un peu.
Un matin, au fumoir, nous nous trouvâmes un instant seuls. Il eut l’amabilité d’ouvrir la conversation.
— Vous êtes Français, Monsieur, je suppose, dit-il en secouant la cendre de son cigare ?
— Oui, Monsieur, fis-je en m’inclinant, j’habite Paris où d’ailleurs je suis né.
— Est-ce votre premier voyage au Canada ?
— Oui, Monsieur, et il me tarde d’arriver dans votre pays, afin de lier connaissance avec les descendants des hardis colons de l’ancienne Nouvelle-France. On m’assure que, dans certains coins de Québec, on se croirait à Paris, à Rouen, à Lyon, que l’on y parle le français avec une correction et une pureté étonnantes.
— Comment donc, Monsieur, le français ? Mais on le parle plus et mieux que jamais. À mon âge, moi, je puis vous en dire quelque chose. On peut bien y rencontrer çà et là des archaïsmes, mais cela prête un certain piquant