Page:LeVasseur - Têtes et figures, 1920.djvu/235

Cette page a été validée par deux contributeurs.
235
TÊTES ET FIGURES

oiseau pourpre et or, un oiseau qui se dandinait gracieusement au bout d’un fil de caoutchouc ! Et bébé, en apercevant le joujou, n’avait-il pas bégayé un rire, un petit rire étrange, le premier rire intelligent de son existence ?

Et Lise aussi avait ri, ri de bien bon cœur en voyant le plaisir de bébé ! L’oiseau était du coup devenu un sujet de grand amusement pour eux deux.

Noël était venu et reparti. Les derniers jours de l’année moribonde s’enfuyaient, lourds, tristes, les uns après les autres, lorsque la physionomie pâle, chétive, amaigrie du bébé prit une expression étrange de fatigue, d’épuisement, celle d’un être prématurément surmené. Ses deux yeux bleus eurent des regards fixes, ternes. Peu après, le petiot parut absolument indifférent à tout ce qui se passait autour de lui. Il restait complètement immobile, presqu’insensible dans les bras de Lise. Plus un pleur, plus d’impatiences. Il semblait écouter avec une passive complaisance les chansons de sa protectrice, le long des rues tristes et monotones qu’elle parcourait bravement et le jour et le soir. Même l’oiseau, le superbe oiseau pourpre et or, n’eut plus le don de l’intéresser ; il le regardait fixement, sans bouger, d’un certain air de supériorité, comme s’il eût eu conscience de ce que sont les vrais oiseaux, et qu’il eût tenu à