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TÊTES ET FIGURES

Les longues et mornes journées d’hiver suivirent.

On était aux environs de Noël.

Les résidants des rues aboutissant au « Strand » étaient devenus habitués à entendre le soir, une voix mélancolique de jeune femme leur chanter, d’étrange et pathétique façon, les vieilles chansons et ballades connues, mais toujours chères au cœur de tout Anglais, comme par exemple : The Banks of Allan Water, The Bailiff’s Daughter, Sally in our Alley, The Last Rose of Summer.

Elle chantait toutes ces vieilleries, les unes à la suite des autres, dans le même ordre. Sa voix n’était ni forte ni pure, mais elle avait des accents qu’on sentait vrais et souvent émus, plus particulièrement lorsqu’elle chantait cette mélodie, vieille comme les chemins, mais toujours si populaire : « Home ! Sweet Home » ! Alors, les fenêtres s’ouvraient, et les pennies pleuvaient sur la chanteuse des rues et le pauvre bébé, compagnon constant de ses tournées, dont elle ne cessait de prendre le soin le plus tendre. Parfois aussi, par des journées glaciales, on pouvait la voir cheminer dans la boue, la figure fouettée par le vent d’est, et, malgré cela, débiter courageusement son répertoire. Des mères de famille, au sortir des grands magasins, des boutiques aux brillants étalages, où elles étaient allées acheter des étrennes pour leurs