souffrance me faisait vraiment mal ; je sentais se réveiller chez moi d’anciennes douleurs.
J’aurais voulu avoir le courage d’aborder le malheureux, et de lui exprimer les sentiments de sincère commisération qu’il m’inspirait. Mais je n’osai pas même lever les yeux sur lui, lorsque, se tournant à demi de mon côté, sa figure refléta une véritable souffrance. Je respectai un état d’âme qui pouvait cacher tout un drame.
L’inconnu se mit à suivre l’allée principale, en s’arrêtant presqu’à chaque pas, pour lire un nom, probablement ; de temps à autre, il regardait par dessus les grillages de fer, pour interroger la disposition des terrains et s’orienter, à ce que je présumais. Cependant, il me devint évident peu après qu’il cherchait une tombe. Peut-être, dans ce fouillis de monuments funéraires, seule, une simple croix de bois marquait-elle la demeure dernière de l’être aimé ? Comment la retrouver dans cette lugubre collection ? Ah ! on ne peut que difficilement se figurer combien vite change d’aspect un tout petit coin de cimetière. Aujourd’hui s’y dresse une modeste tombe ; demain, dix lui feront cortège.
L’impitoyable Faucheuse va vite en besogne au champ de la mort. Que l’on interroge le registre du fossoyeur depuis 1854, alors que le premier cercueil franchit la porte principale