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TÊTES ET FIGURES

Alors le père se résignait, s’armait d’un crayon et prenait du papier. Jules, les deux coudes sur la table, suivait de près les lignes du dessin. De ces impromptus au crayon, naissaient une maison de campagne, un gros arbre, un oiseau, un poisson, un chien, un cheval, un navire, qui appartenaient aux variétés les plus fantaisistes du monde. Le petit Jules en était ébahi, ravi, et tout naturellement exigeait une, deux, trois copies du premier exemplaire.

Parfois, le père, donnant libre cours à son talent, s’aventurait jusqu’à portraiturer la mère, l’aïeule ou la ménagère.

Alors, Jules, nanti de portraits, parcourait la maison en les montrant avec l’assurance d’un exposant du prix de Rome.

— Tiens, s’écriait-il, c’est ton portrait.

Et tout en minaudant, il se frappait les deux mains.

— Mais non, lui disait-on, ça n’est pas mon portrait.

— Oui, oui, rétorquait-il, « son père » l’a dit ; c’est lui qui l’a fait, là, avec son crayon, là-bas, sur la table.

« Son père » l’a dit ! Il n’y avait pas à discuter ; « Son père » l’avait dit.

Le mot de portrait avait un jour donné à réfléchir au père. Ce serait bien à propos, se dit-il, si nous avions un portrait du petit Jules.