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LE NOM DANS LE BRONZE

lance, nous finirions par être autre chose que de pauvres coloniaux. Notre droit de premier occupant, de défricheurs de cette immense contrée, il le comptait pour un titre. Ce qu’une poignée de héros avait semé de souffrance sur notre sol, il l’évaluait comme un patrimoine précieux ; plus que les richesses de ceux qui, étrangers, étaient venus se fixer ici, pour y trouver une vie facile et lucrative. Au début de notre histoire brillent des faits et des gestes splendides ; vaincus, nous restons quand même les plus glorieux. Philippe répétait souvent, avec un orgueil qui contenait bien un peu de fanatisme, que, avec un bout de papier timbré, peut-être américain ou canadien qui veut, mais que pour être canadiens-français, il faut dater de deux à trois siècles.

En regardant la ligne harmonieuse des vieilles maisons de Berthier et les clochers presque deux fois centenaires, qui dépassent les feuillages des ormes et restent visibles longtemps quand le village a disparu, Philippe évangélisait Louise.

À midi, le « François C » entrait dans le port de Sorel. À l’Angelus qui sonnait s’ajoutait le cri des