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LE NOM DANS LE BRONZE

L’hiver était venu. Tous les jours, les jeunes gens patinaient sur le fleuve. La glace venait de se former, les bordages étaient d’une transparence glauque. Steven et Marguerite, la main dans la main, allaient sur leurs patins rapides, luttant contre le vent d’abord, puis se laissant ensuite pousser, enivrés et heureux. Le monde était blanc et féerique. Le soleil irisait l’éblouissant paysage. Qu’il faisait bon glisser sur ce miroir de la glace vive, givré d’étoiles minuscules, et qui reflétait en teinte plus pâle, la fine couleur du ciel. Qu’il faisait bon surtout de s’aimer et d’être ensemble, et de se sentir au cœur une telle chaleur.

Un couchant aux couleurs violentes et merveilleuses, finissait trop tôt le jour, illuminant de rouge, de jaune, de violacé les blancheurs de cette immense plaine glacée sous laquelle, invisible et fort, le fleuve coulait. Steven et Marguerite revenaient vers Sorel, goûtant chaque minute de ces moments splendides comme une apothéose.

Le jour tombait tout à fait. Ils contournaient les quais. Le Richelieu, au lieu d’être comme le Saint-Laurent une grande plaine nue, n’était plus qu’un cou-