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LE NOM DANS LE BRONZE

pouvait plus voir dans tout le salon que son ami et cette jeune fille un peu provocante ; et sa douleur tirait aux coins de sa bouche son masque souriant.

De retour à la maison, elle pleura. Les quelques phrases que, sans y attacher d’importance, Steven avait dites en revenant à la louange de sa rivale d’un soir, avaient été comme des écorchures nouvelles dans une plaie déjà vive. Ce fut alors qu’elle comprit. Elle aimait maintenant Steven, elle ne supporterait pas de lui voir courtiser personne d’autre.

Du coup, ses rêves d’aventure, de romans chimériques furent fauchés. Son imagination, se rapetissant, ne travailla plus qu’autour d’un avenir défini. Que Steven fût anglais ne l’alarmait pas. À sa jeune ardeur, à son inexpérience, à sa nature volontaire, l’amour seul importait ; quand il avait parlé, ses décrets étaient sacrés. Et dans sa petite ville, jamais les problèmes de race n’avaient été soulevés devant elle.

Imperceptiblement, elle changea. Elle fut moins lointaine, moins indépendante. Elle était redescendue sur la terre et, secrètement suppliante, aspirait à un bonheur précis.