formé son indifférence en fierté. Elle étalera son patriotisme à Steven, elle le convertira à ses opinions. Au fond, qu’est-ce qu’un Anglais pense de nous ? Il n’apprend pas l’histoire comme nous l’apprenons ; il est fier de sa propre langue, il ne comprend pas pourquoi nous tenons à la nôtre. Mais Steven est différent, pense-t-elle, Steven nous aime bien, nous connaît. Il sera bon de le revoir. Elle se reproche un peu d’avoir prêté une oreille trop attentive à Philippe, d’avoir éparpillé son sentiment, de n’avoir pas été fidèle à son amour pendant toute cette quinzaine. Comme elle se laisse aisément distraire. Est-elle donc légère ?
Dans quelques heures, ils vont se retrouver, puis, de nouveau, se voir sans cesse. Elle médite sur l’intelligence de Steven, sur sa façon d’apprécier certains livres ; sur ce goût qu’il lui a communiqué pour les romans de Dickens, de George Elliott, des Brontë, de Mary Webb. Quel soin il met à ne lui faire lire que des choses honnêtes ! Il est si bon, si indulgent. Jamais elle ne l’a entendu condamner quelqu’un avec l’entrain qu’elle y apporte elle-même. Il s’apitoie sur les malheurs des gens avec une sensibilité vive, il