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— Mais oui, vous croyez que je n’aime les Roquevillard que pour le plaisir d’y voir un jeune homme s’enfuir avec une femme mariée…

— Allons donc ! Mettons que je n’ai rien dit. Prêtez-moi un autre livre et j’essaierai de le mieux comprendre. Mais une jeune fille de dix-neuf ans ne devrait pas lire un roman comme Les Roquevillard.

— J’ai presque vingt ans. Et en l’année mil neuf cent dix-huit, mon cher Jacques, les oies blanches ne sont plus à la mode. J’aime mieux vous prévenir que je n’en suis pas une…

Elle exagérait. Elle croyait connaître et comprendre beaucoup de choses, que seule l’expérience révèle dans leur plénitude. Malgré ses lectures elle conservait les illusions inhérentes à la jeunesse ; même si elle ne s’attendait plus, comme autrefois, à vivre un roman dans le genre de « Miss Rovel », ou du « Mariage de Chiffon ». Au couvent, barricadée dans son insouciance, il avait été trop aisé de croire à la toute-puissance de sa volonté et d’espérer monts et merveilles !

Mais elle aurait bientôt vingt ans. Le paradis convoité reculait. Les heures, les semaines, les mois passaient sans rien bouleverser, et au lieu du héros de roman qu’elle désirait aimer, seul Jacques longeait son chemin.