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CHOSE DU MONDE
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— Toi, ma petite, tu viens de relire Pascal.

— Monique, même sans Pascal, tu sais bien qu’on ne peut pas posséder le bonheur. Pourquoi toujours confondre ? Le bonheur et les satisfactions physiques ne sont pas synonymes. Pourquoi ne pas parler franchement ? Ce pauvre mot amour, comme il doit être fatigué d’être continuellement employé dans un sens appauvri. Ce pauvre mot bonheur, qu’il doit être las de qualifier des satisfactions sensuelles. Cette confusion découle de trop de romans français modernes. Ils m’agacent, continue l’orthodoxe Lucette.

— Te souviens-tu de Madame Vidal, nous attrapant à lire le feuilleton de la Revue des Deux-Mondes ?

— Oui, je me souviens.

Elles revivent ensemble avec avidité cet épisode de leur joyeuse jeunesse.

Le samedi midi, elles se donnaient rendez-vous à la bibliothèque Saint-Sulpice, pour parcourir les revues de la semaine. Depuis une quinzaine, elles suivaient avec passion un roman de Gérard d’Houville : « Jeunesse ». Les premières livraisons leur avaient présenté une jeune fille romanesque en laquelle, avec complaisance, elles s’étaient reconnues. Mais ce samedi-là, elles ne trouvèrent pas la revue des Deux-Mondes. Innocemment, elles la demandèrent au comptoir et retour-