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Aujourd’hui, elle avait vingt-cinq ans. Demain elle serait vieille à son tour. Les délices du monde n’étaient que déceptions ou fugitives douceurs. Ce qui compte dans les jours, c’est l’œuvre spirituelle, et les enfants qui demeurent pour continuer la tâche inachevée, pour recommencer l’expérience.

Nicole récapitulait à sa manière l’existence de sa mère. Pour nous mettre au monde, se disait-elle, pour nous élever, maman a souffert et s’est sacrifiée. Elle nous a caché ses douleurs physiques, elle s’est tenue sur ses jambes malades pour nous épargner tout travail. Elle se chargeait de nos ennuis, de nos tâches. Et parce que Nicole récapitulait les peines, les épreuves de sa mère, sans pouvoir évoquer les bonheurs, les consolations que la chrétienne qui allait mourir avait sûrement reçues, toute la vie lui paraissait encore plus désolée qu’elle ne l’avait été.

Des phrases du petit catéchisme revenaient à sa mémoire :

— Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front. Adam et Ève furent chassés du paradis terrestre et condamnés à souffrir et à mourir. — Les pages les plus dures, les plus austères de l’Imitation repassaient dans son esprit. Celles qui demandent de renoncer à tout et à soi-même. Oui, la vie ne devait être qu’une préparation à la mort. Et