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Envahie d’une pitié sans bornes, Nicole lavait doucement, cachant sous de pauvres mots drôles la confusion qui la torturait, confusion centuplée par celle qu’elle imaginait aussi chez ; sa mère. Il fallait donner à cette toilette un air de toilette ordinaire, normale.

Enfin, elle eut fini, et quitta la malade qui déjà recommençait à égrener son long chapelet.

— Essayez de dormir, à présent. Je serai dans ma chambre. Votre sonnette est sur la table. Appelez-moi, si vous avez besoin de quelque chose.

Elle s’enfuit pour laisser déborder le flot de larmes qui montait à ses yeux.

Se tamponnant le visage d’une serviette fraîche, Nicole s’arrêta devant un portrait de sa mère à dix-huit ans. Une figure fine, ferme, rayonnante de malice et d’espoir. La coiffure ancienne, mais seyante, le col bordé d’une dentelle, indiquaient un souci d’élégance. Pour la première fois, Nicole se donnait la peine de penser que sa mère avait été jeune, jolie et aimée, qu’elle aussi avait connu les grands rêves, l’amour et la désillusion. Pour la première fois elle saisissait le sens d’une phrase qu’elle avait souvent employée sans bien la comprendre : la fugacité de la vie. N’était-elle pas hier elle-même, ce bébé aux traits chiffonnés encadré auprès des dix-huit ans de sa mère ?