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CHOSE DU MONDE
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Ces soirs-là, elle pleurait ; elle arracherait de son cœur jusqu’aux racines du sentiment douloureux. Toutefois, son chagrin calmé, elle essayait d’interpréter ces façons étranges, de les excuser. Ce qui rendait Alain cruel, c’était sans doute sa propre incertitude au sujet de ses examens et de cette carrière ingrate qu’il s’était choisie. Il lui arrivait alors, quand il revenait de ces crises de dépression, de dire à Nicole qu’il redoutait le mariage de la faim et de la soif, qu’il ne se résignerait pas à traîner ses jours dans une situation médiocre. Ils s’étaient fourvoyés. Mieux valait cesser de se voir. Mais il ajoutait :

— Jamais je n’ai aimé personne comme je vous aime ; jamais je n’aimerai personne autant. Le mariage n’apporte pas toujours contentement et bonheur. Au moins, si je vous laisse à un autre, j’aurai une consolation ; je ne serai pas celui qui vous décevra.

Nicole écoutait rougissante. Elle n’avait pas le courage, ou plutôt sa pudeur, sa réserve l’empêchaient de lui dire qu’il manquait d’esprit de suite, de simplicité ; qu’une attente adoucie par le charme d’une tendresse partagée ne lui semblait pas un malheur. Pour lui comme pour tout le monde, l’avenir s’édifierait à son heure.

Elle ne disait rien, et à son tour elle se tourmentait. Les jours où il avait apparemment décidé