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CHOSE DU MONDE
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une mastoïdite. Le tunnel lui parut soudain un abîme. Des larmes impossibles à retenir lui brouillaient la vue, coulaient librement sur ses joues. Elle s’engagea dans cette petite rue qui conduisait à la Chapelle des Carmélites. Dans ce coin désert elle se cacherait, ne rencontrerait personne. Personne ne devait voir son visage bouleversé, personne ne devait connaître son chagrin ; personne, non, personne n’en saurait jamais rien.

Elle jeta dans un terrain vague le journal inutile et cruel ; aveuglée de larmes, elle sonda la petite porte ogivale du monastère. Heureusement, elle était ouverte. Nicole put entrer dans la chapelle sombre et pleurer sans contrainte, incapable même de prier.

Tout aurait pu s’arranger. Elle n’avait que vingt-trois ans, après tout. Que lui importait d’attendre Alain quelques années de plus ? Si elle avait aimé l’idée de partager le sort du jeune homme, elle avait toujours cependant redouté le mariage. Elle aurait voulu continuer à aimer, mais demeurer libre. Alain, esprit tourmenté, mobile et inquiet, volontaire et indécis à la fois, l’avait recherchée, l’avait forcée à modifier ses idées, son âme, pour ainsi dire. Et maintenant, il s’en allait.

Nicole se souvenait des utopies qu’ils avaient cultivées au début. Ils étaient jeunes et ardents pratiquant avec ferveur de Barrès, le « Pourquoi