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LA PLUS BELLE

Lucette écoutait. Mais le bonheur, c’était cela le bonheur. Du bonheur qu’elle ne connaîtrait pas. « Nous avons ri, nous rions, » ces mots sous-entendaient une telle communauté de biens, à laquelle elle avait renoncé. Ses perspectives de voyage en France, son existence agitée, n’était-ce pas une route anormale à suivre, pour une femme ? Elle se sentait subitement pauvre en se comparant à Monique. Le petit Jacques entrait au salon, une grande bavette au cou ; il s’était enfui pendant son souper pour dire un secret à tante Lucette. La bonne vint le reprendre, mais Monique l’avait serré bien fort contre elle :

— Qu’il est rusé !

Mais tout de suite, elle s’arrêta :

— Non, je ne parlerai pas de mes enfants. Les mamans m’ont assez embêtée avec les prouesses des leurs. Je te fais grâce. Et toi, raconte quelque chose. Je ne sors pas, tu sais.

Lucette raconta. Des livres, des concerts, elle passait aux gens. Les deux enfants, beaux à croquer dans leurs pyjamas roses et bleus, vinrent dire bonsoir.

— Et maintenant, nous ne les entendrons plus jusqu’à demain matin. Raconte, raconte encore. Elles étaient heureuses ensemble. Le jour n’entrait plus par les fenêtres, mais elles n’avaient allumé qu’une toute petite lampe, et dans la