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LA PLUS BELLE CHOSE DU MONDE

d’écrire et de lire ; écrire sera primordial, passera avant toute chose.

Déjà, elle négligeait parfois de donner signe de vie à Nicole, à Monique, à Lucette. Celle-ci s’en plaignait, voulait savoir pourquoi Claire devenait invisible. Mais le secret de Claire demeurait sous scellés.

Elle choisit un jour un pseudonyme qui ressemblait beaucoup à un nom véritable, adressa sa meilleure pièce de vers à un écrivain qu’elle admirait et qui dirigeait un journal du dimanche. Elle y ajouta ce mot :

— Si ces vers vous plaisent, publies-les et je vous en ferai parvenir d’autres. Mais je ne veux dire à personne qui je suis.

Le dimanche suivant, elle acheta l’hebdomadaire ; dans la rue, tout de suite, elle le parcourut avec un fébrile espoir. Rien. Bravement elle refoula sa déception. D’ailleurs avait-elle réellement espéré qu’ils paraîtraient ?

Huit jours plus tard, elle parcourait le même journal avec ennui ; tout à coup, elle les aperçut, là, devant elle, en haut de la Page Féminine, soulignés d’un bel encadrement et de caractères spéciaux. Elle rougit, trembla. Elle aurait pleuré à la fois de bonheur, d’orgueil et d’une tristesse inexplicable. Vibrante, elle les relut comme s’ils n’avaient pas été les siens. Ils lui parurent beaucoup