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COULEUR DU TEMPS

aux découpures d’un clocher, tout un panorama. Des arbres verts, aux feuilles larges et bizarres, des ponts, des lacs, un pays splendide où tout est grandeur et beauté.

Une autre fois, si j’ai, dans la journée, entendu parler de guerre, je me bats.

Le théâtre de la guerre se trouve être, par exemple, le Sault-au-Récollet. Je suis abritée dans une vieille maison basse, en pierres des champs, blanchie à la chaux à l’intérieur, et nue, sans autre meuble qu’un long banc de bois devant une cheminée sans feu. J’entends les bruits d’obus, les canons, les balles qui sifflent. Je sors porter un message. Je rencontre une petite « boche » qui me vole ma montre. Je l’arrête au nom de la loi, et je lui enlève la sienne, qui est plus belle que la mienne, et précisément comme j’en veux une depuis longtemps. Après cette mauvaise action et après avoir livré la petite aux soldats — sans sa montre — je m’en retourne bourrelée de remords. La punition me suit de près. Le feu se met à crépiter derrière moi. Je cours. J’entends siffler une balle ; elle me transperce l’épaule. Je retourne à la maison. Un médecin me panse. Je ressors dans le parterre. Je vois un petit bonhomme qui a l’air de jouer à cache-cache et se montre tour à tour à chaque fenêtre de ma masure. Un