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Des rêves !


J’ai un grand ami qui m’apprend parfois, étonné, qu’il a rêvé à moi. C’est une chose extraordinaire pour lui, car son sommeil est, paraît-il, comme un trou noir où ne passent jamais de visions !…

Malheureux homme et malheureuses gens qui ne rêvent pas ! Vous n’êtes pas comme ma cousine Arline et moi, qui avons, chaque matin, quatre ou cinq rêves à nous raconter et qui vivons ainsi doublement, triplement, quadruplement et même quintuplement ! Sans compter que nos rêves sont de véritables représentations cinématographiques.

Si je lis, un jour, le voyage de Loti aux ruines d’Ankor, je vais, le soir suivant les visiter. Je vois des pierres fleuries de végétations nouvelles pour moi et incomparables, des lierres à clochettes roses ou bleues ou or ! Je vois un ciel de teintes merveilleuses ; des forêts effrayantes hantées par des monstres à figure de sphinx ; enfin, une ruine monumentale à sculptures étranges sur des pierres brunes, lézardées, moussues. Je monte à l’intérieur dans des couloirs en pente ou sur des marches usées et innombrables, et j’aperçois, par une ouverture semblable