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La petite fille au turban


C’était encore une petite fille. Elle avait quinze ans, peut-être moins. Elle était jolie, elle avait surtout une physionomie intelligente, distinguée, discrète. Elle venait à la bibliothèque paroissiale, et c’est là que je la voyais. Elle ne m’a presque jamais parlé, elle ne faisait que passer. Nous échangions quelques mots nécessaires, elle me regardait gentiment et c’était tout. Elle ne restait pas pour babiller, pour s’amuser avec les autres, qu’elle ne connaissait peut-être pas, il est vrai. Je n’en sais rien. Je ne savais rien d’elle. Mais son visage me plaisait, et sa voix et ses manières, et jusqu’à son chapeau, un drôle de turban de velours, qui laissait sur les cheveux traîner un gland. Il aurait pu enlaidir une autre fillette qu’elle ; il l’embellissait, il était coquet sur sa tête, il lui ajoutait une note fine et originale.

Je me rappelle aussi que ses grands yeux étaient bruns, très doux, qu’elle avait une façon exquise de sourire, et une voix agréable, et que lorsqu’elle s’en allait, je disais à ma compagne : « Je l’aime, cette petite fille-là, moi ! »