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COULEUR DU TEMPS

ma main. Et puis, s’ils la demandaient, je ne dirais peut-être pas oui. Je ne suis pas pressée ! »

— « Ah ! tu n’es pas pressée ? » Le ton est un peu narquois, et la grand mère ajoute avec un grognement : « Prends garde, ma petite enfant ! » Les grand’mères viennent de très loin, très loin. Elles ont l’expérience pour appuyer leurs bons conseils. Les jeunesses volontiers et de tout cœur les écoutent. Seulement, elles seront convaincues que les vieilles femmes ont raison lorsque leur propre vie le leur fera comprendre. En attendant, elles se disent : grand-mère n’était pas comme moi, je suppose. Il est si difficile d’imaginer que grand’mère a déjà eu vingt ans.

La jeune fille brode toujours en souriant à ses illusions et à ses volontés. La grand’mère qui s’installe, dévide un peloton de laine et reprend : « Connais-tu l’histoire des manches à balai ? »

— « Des manches à balai ? Non. Qu’est-ce que c’est, grand’mère ? » demande la jeune fille qui croit la conversation déviée. Et la grand’mère commence : « Mettons que dans la côte du bord de l’eau devant chez nous, il y aurait des joncs. Et je te dirais : va t’y couper un manche à balai, mais tu n’as le droit de le couper qu’en descendant, en t’en allant.

Tu t’en irais. D’abord, tu regarderais à peine les premiers. Tu serais certaine d’en