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COULEUR DU TEMPS

cialement au théâtre où elle doit aller une fois par semaine, et deux fois même ; Becman, vous comprenez, ma chère ! La jeune fille bien est cultivée et doit s’y entendre un peu en littérature ; elle lit les auteurs à la mode, auteurs sérieux ou légers, qu’importe, pourvu qu’ils soient des auteurs dont les noms se prononcent dans les salons bien, et dont on discute souvent les œuvres : et cette jeune fille demi-mesure doit être à demi en mesure de donner son mot, son appréciation. Il est nécessaire d’être au courant, même si le livre n’a pas été écrit pour les enfants de son âge ; car la jeune fille bien n’est pas une oie blanche ; il convient qu’elle ait certaines connaissances, qu’elle soit renseignée ; et puisqu’il ne faut pas qu’elle ait trop de religion, il serait niais qu’elle eût trop d’innocence, qu’elle eût un cœur frais, facile à scandaliser, ou plutôt à blesser. Elle est d’une nature délicate cependant, et elle parlera volontiers de son idéalisme. Tout cela se voit d’ailleurs à sa façon un peu précieuse de parler, à ses manières, aux gestes de ses doigts pâles ; cela se voit à sa toilette. Mais elle manque de grâce ; si ses robes sont exactement suivant les derniers modèles, elle les porte avec une certaine maladresse ; elle est tirée à quatre épingles, guindée. Elle ne se froisserait pas pour une terre, c’est évident. Elle est bonne, généreuse.