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Les amitiés


Tout à l’heure, je suis tombée, en furetant dans mes papiers, sur une lettre écrite à une amie chère il y a deux ou trois ans, — lettre qui ne fut jamais envoyée. Je l’ai toute relue. Elle contenait douze pages d’une écriture qui ne ressemble plus que vaguement à la mienne. J’ai été un peu étonnée devant la tendresse passionnée que j’y avais mise, et qui était sincère et non pas exaltée. Et, parce que ce soir j’étais déjà triste sans cause, je me suis sentie désemparée… À quoi tiennent donc nos amitiés pour qu’elles se délient si rapidement ? Cette amie-là, que j’aimais de tout mon cœur, elle entend rarement parler de moi et ne me donne guère non plus de ses nouvelles. Elle était mon aînée. Elle s’est mariée et comme son bonheur lui suffit, elle délaisse celles qui l’intéressaient avant l’amour.

Et, si je prends la peine de regarder derrière moi, que d’autres j’ai aimées, que j’aimerais encore si je les revoyais, mais dont je me passe si facilement. Combien de liens se nouent et se dénouent dans une vie ? Un jour, vous avez un grand chagrin, quelqu’un vous quitte, éloigné par des circonstances que vous jugez cruelles. Vous êtes désolé. Vous êtes rongé de regrets.