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COULEUR DU TEMPS

En passant devant elle, ils découvrent que plus haut, une traînée de lumière se montre, comme si derrière la montagne se levait la lune. Ceux qui veulent ignorer qu’elle est en vacances croient en elle. Ils parlent aussi du point de feu qui guida, il y a bien longtemps, le petit Poucet. Ce n’est ni la lune, ni cette clarté, mais un chemin qui conduit à un château, une avenue éclairée. Ils la longent, causant mieux sur ce terrain plat. En bas scintillent les étoiles de la ville. Les arbres dessinent sur la neige leurs ombres dépareillées. Au loin, très au loin s’étend le voile de brume mince. C’est le calme parfait, le calme immense, le calme qui émeut même les moins sensibles.

Les raquetteurs doivent pourtant regagner leur foyer. Le temps ne leur a point paru long, mais ils savent bien qu’il a passé quand même. Quelques histoires, des mots pour rire, des souvenirs éparpillés en dévalant la côte qui tourne ; devant l’oratoire, une réminiscence livresque ; dans le jour ce point de vue donne une sensation qui ressemble à celle qui fut notée par Barrès sur les hauteurs de Sainte-Odile.

Les raquetteurs évoquent leur paysage, tels qu’ils le virent en automne, bien différent, quand la nuit était encore loin ; c’était une succession de terres qui descendaient quadrillées