Page:LeNormand - Couleur du temps, 1919.djvu/23

Cette page a été validée par deux contributeurs.
21
COULEUR DU TEMPS

Ailleurs, vous évoquez, par exemple, une promenade d’antan, si vous lisez tout simplement : « Aujourd’hui, je suis allée dans la montagne avec mes amies Jeanne et Georgette ». Vous étiez gaies toutes les trois. Vous aviez sans cesse le fou rire. Vous faisiez des projets impossibles en voyant passer près de vous, sur la route tournante du Mont-Royal, de jolies amazones sur de beaux chevaux. Vous pensiez — parce que vous étiez romanesques — à des scènes pareilles lues dans des livres. Vous en parliez. Vous étiez folles, et incomparablement jeunes. Grand Dieu, demain encore, n’alliez-vous pas reprendre votre sac d’école et vous en aller à la classe, où vous essaieriez de faire croire à une maîtresse — aimée pourtant — que vous saviez des leçons pas le moindrement apprises ?

À vrai dire, vous n’étiez pas paresseuses, mais vous préfériez à l’étude, la lecture ou les courses sur la montagne, à l’ombre des beaux arbres. Vous évitiez, tant que vous le pouviez, de pâlir sur des leçons de philosophie que vous ne compreniez pas. Et vous riez, en repensant à cela. Vous vous voyez debout, en robe noire d’élève, à votre rang, votre livre à la main, fermé sur votre index marquant la page à donner. Vous vous entendez réciter avec un aplomb simulé, digne d’admiration ! Combien de fois, Seigneur,