Page:LeNormand - Couleur du temps, 1919.djvu/16

Cette page a été validée par deux contributeurs.
14
COULEUR DU TEMPS

étant presque grec !… et j’avais des peurs, comme mon amie Jeanne. Mais, j’étais tellement décidée et impétueuse quand il s’agissait de satisfaire mes ambitions, qu’il restait en moi une profonde tranquillité au sujet de l’avenir ; je savais que mes mains cueilleraient tous les fruits qui ne seraient pas défendus, le long de la route… Jeanne m’appelait « la paix ». J’étais plutôt la confiance.

Jeanne est toujours mon amie. Berthe aussi. Elles ont changé et si je sais encore beaucoup des pensées de Jeanne, Berthe me reste à certains égards mystérieuse. Georgette ne passe plus sur mon chemin. J’ignore à quelle conception de la vie elle s’est arrêtée. Des milliers d’impressions nous attachaient l’une à l’autre, et nous nous sommes pourtant détachées !…

Tiens, cette feuille rouge et sèche qui me regarde, qui gît sur ce cahier ouvert, à quel sujet m’a-t-elle amenée ? Est-ce elle qui fait repasser devant mes yeux mes amies en robes de petites filles romanesques ? Oh ! la puissance d’une si mince chose. Je la remets entre les feuillets de cet ancien journal. Beaucoup plus tard, un autre jour dans ma vie, elle me rappellera ce soir, et ce billet qui fut écrit en son honneur, feuille morte retrouvée et relue dans mon livre du passé !