Page:LeNormand - Couleur du temps, 1919.djvu/15

Cette page a été validée par deux contributeurs.
13
COULEUR DU TEMPS

pensait cela ? Elle ne trouvait pas son nez à son goût, et elle croyait que la vie ne donne le bonheur qu’aux… nez grecs !

Berthe nous faisait rire en ce temps-là. Berthe posait peut-être un peu. Elle avait tout ce qu’il fallait pour cela : des yeux grands comme des piastres, bleus comme des pierres précieuses, et des cils longs et noirs comme ceux des héroïnes de roman. Elle constatait peut-être que son nez allongeait trop, mais il était mince et distingué ; et puis, Berthe avait des joues roses, une bouche rouge et des dents blanches. Berthe aimait bien la vie et elle nous blaguait sur ce qu’elle en attendait.

Georgette, brune, brune autant que les blés sont blonds, Georgette riait de ce que les autres disaient, de ses dents encore plus blanches et plus belles que celles de Berthe. Fine et un peu sournoise, Georgette nous faisait croire sans peine qu’elle était plus raisonnable que nous : elle savait nous servir une douche à point, au bon moment, quand nous parlions avec ardeur de nos passions dans les étoiles. Pourtant, elle devait nourrir les mêmes rêves que nous. Elle s’en cachait, méprisait les hommes, et nous pensions pour cela qu’elle ferait une religieuse.

Moi, qu’est-ce que j’étais bien, en ce temps-là ?… J’avais des illusions nombreuses, mon nez