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COULEUR DU TEMPS

bas les enfants. Elle en a une qui est morte, laissant au monde des tout petits que grand’mère Audet a élevés. Le temps passe vite. Le plus vieux est maintenant conscrit. Quel sujet d’inquiétude !

Mais grand’mère Audet a l’âme forte, autant que le paysage dans lequel elle a vécu est grand. Elle éclaircit toutes les choses de la terre, avec sa foi profonde, avec son humble philosophie de chrétienne. S’il fait soleil, c’est le bon Dieu qui l’a voulu. S’il pleut, c’est encore Lui. Il faut prier pour mériter des grâces, il faut prier pour demander qu’il nous bénisse. Ce devoir accompli et si notre conscience est nette, s’Il nous afflige, c’est qu’Il le juge utile et nécessaire. Il faut alors se résigner, souffrir pour Lui, et attendre que, par sa miséricorde, l’orage s’éloigne de nous.

Touchante grand’mère Audet ! Matinale, elle était presque dès l’aube dans le jardin. Elle y restait de longues heures à chasser les mauvaises herbes. Le maître de la fromagerie voisine passait que déjà elle était inclinée sur sa besogne préférée. En riant, elle lui disait : « Ah ! Ah ! des fromagers, c’est plus heureux que des vieilles femmes, ça se lève bien plus tard ! »

L’après-midi la retrouvait souvent penchée sur les sillons. C’était l’heure des ébats dans