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Il pleut, bergère…


Il pleut, il pleut, bergère, cache ton beau chapeau ! Ou bien ne sors pas ! Reste au gîte. C’est le meilleur temps pour songer. As-tu un secrétaire bourré de belles lettres ? Prends-en, relis. Il n’est pas grand’chose de meilleur au monde que les émotions que l’on éveille en soi, à revenir en arrière, pas très loin, sur des sentiments délicats, subtils, tour à tour clairs ou imprécis, et qu’on aime encore soi-même, et auxquels on tient. Il pleut, il pleut, bergère. Préfères-tu quelque ami parmi les tiens ? Penses-y comme une enfant qui n’a qu’à rêver pour un jour. La terre est brumeuse. Tu ne peux rien voir de beau aujourd’hui dans le monde réel. Amuse-toi. Il fait bon pour une heure de laisser bavarder en soi son cœur fou, son cœur imaginatif, chimérique, son pauvre cœur toujours tant occupé, si débordant. Il fait bon d’aimer, bergère, il fait bon.

Quand il ne pleut pas, bergère, et quand tu es sage, tu chasses loin de toi les vaines rêveries ; tu ne laisses pas de voiles se tisser entre toi et la réalité. Tu regardes la vie comme elle est et comme tu veux la prendre ; tu gardes bien tes