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AUTOUR DE LA MAISON

VIII


Les bonnes femmes du village tricotaient, assises sur leurs perrons, ou sur leurs chaises au bord de la rue, les pieds sur le trottoir. Elles causaient avec leurs hommes, ou entre elles, ou avec les passants : « Eh bien, monsieur Baptiste, une bonne journée ? Le foin est beau ? » Et soudainement arrivaient, au coin de la rue, petites filles et garçons à la douzaine, roulant leurs cerceaux de fer, qui dansaient sur les planches inégales du trottoir. Le soir qui venait, calme et lent, était un instant troublé par cette troupe « à l’épouvante » qui passait en lançant des hourrahs et des bravades aux bonnes femmes qui disaient : « Oh ! les petits bonjours, qu’ils en font du train. Et regardez-moi toutes ces petites garçonnières. »

Mais les cerceaux couraient toujours. Par moment ils zigzaguaient, tombaient ; relevés prestement, ils recommençaient à rouler, en hésitant d’abord, penchant d’un côté, de l’autre, puis, comme s’ils eussent suivi une lice, ils filaient tout droit, en parfait équilibre. Un clou, qui sortait du trottoir, les faisait dévier de nouveau ; ils sautaient brusquement, échappaient à leurs conducteurs et traversaient en biais la petite rue de sable. On les