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AUTOUR DE LA MAISON

sans clôture, sans pelouse fleurie, tout en herbe folle où l’on courait librement ? Avez-vous vu les six grands érables qui donnaient l’ombre en plein midi ? et les « quatre-saisons » qui gardaient la galerie comme des sentinelles ? Avez-vous vu la rivière courbe, sans profondeur, mais si jolie par ses rives ? Avez-vous vu les champs sur lesquels le soleil se couchait ? Avez-vous vu les lilas ? — les lilas en fleurs au-dessus de la clôture brunie ?

Aujourd’hui, elle a changé de visage, la maison. Les lilas ont été abattus en même temps que la clôture, si vieille qu’elle menaçait de tomber. Il n’y a plus de « quatre-saisons » et deux des érables sont morts. Le parterre est ratissé et bien qu’il n’y ait pas de pancarte, on devine qu’il est strictement défendu de passer sur le gazon. La rivière seule reste la même. Elle est toujours paisible, fine, dormante. Elle ne comblerait plus mon horizon. Vous vous souvenez, elle est en cercle, elle a l’air de tourner autour d’un tout petit centre. J’aime mieux les fleuves, maintenant, les eaux qui portent des navires et les navires qui vont loin, voir cette grande terre que le bon Dieu a créée…

Je regrette la maison de là-bas. Elle était bonne comme une sainte. Mais à sans cesse regarder ce cadre restreint où s’est écoulée