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AUTOUR DE LA MAISON

manège et se laissait tapisser le dos et la jupe de poissons en papier. Nous avions la prétention de croire qu’elle ne s’en apercevait pas, et il fallait entendre nos rires étouffés quand elle allait ou venait avec ses plats, au cours du dîner ! Elle nous interrogeait pour connaître la cause de notre gaieté, et nous rappelait plusieurs fois l’incident du matin, en nous narguant : « Eh bien ! on ne la mange pas la morue… allez donc la voir nager ! » — et enfin, elle se retournait sur elle-même et criait de surprise jouée en découvrant ses décorations ! Nous avions un plaisir délirant, nous éclations de rire en nous tenant les côtes, et nous étions parfois forcées de sortir de table, parce qu’une miette de pain ou de biscuit prenait le « canal du dimanche ! » Julie venait nous taper dans le dos pour nous faire reprendre notre respiration !

Entre enfants, on courait beaucoup d’autres poissons d’avril. On s’envoyait voir si la glace était partie, on se disait soudainement : « Regarde donc l’oiseau ! » ou bien : « Tu perds quelque chose », et si on regardait, c’était « poisson d’avril ». Mais, tout ça, pour les amateurs, ça ne comptait pas, et il était essentiel de parler de poisson pour que ce fût sérieux. Si l’un de nous réussissait à en faire courir un vrai, un ingénieux, il en avait