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l’eau et un gîte : il sait se procurer le reste, il ne coûte rien à son maître.



LE CANARD BRANCHU.[1]
(Summer or King Duck.)


Le Canard Huppé ou Branchu, voilà le roi de l’espèce : sa tête est surmontée d’une huppe,

    tions ; puis s’apercevant que toute tentative d’évasion est inutile, elle change de batterie, s’arrête tout à coup, feint de subir une attaque d’apoplexie foudroyante, et s’étend tout de son long sur le carreau comme une masse inerte. Le furet s’approche de la défunte, la flaire dans tous les sens, constate le décès et, dédaigneux de la chair, se couche auprès et se rendort avec la stoïque insouciance particulière à son espèce. À peine a-t-il fermé les yeux que la morte ressuscite et relève la tête pour juger de la situation ; mais le mouvement qu’elle a fait a suffi pour troubler le sommeil léger de son argus, à qui l’aspect de cette tête dressée rend l’espoir d’une saignée copieuse, idée fixe des furets. Il est sur son sujet d’un bond, et se met en devoir de pratiquer l’opération. Désappointement nouveau, désillusion cruelle ; la tête s’est détendue machinalement et s’est roidie en retombant lourdement sur le sol, preuve que l’apoplexie n’était pas simulée et que le col ne s’était redressé que sous l’effort d’une convulsion dernière. Et le praticien trop expert de regagner sa paillasse pour reprendre son somme. Ce que voyant, le propriétaire, qui observait le débat par le trou de la serrure, entre-bâilla la porte pour abréger l’expérience, et le canard, profitant aussitôt de la voie de salut qui lui était offerte, s’esquiva vivement, abandonnant le furet mystifié à ses réflexions amères.
    « Or, voici en deux mots l’explication du mystère : les furets comme les fouines sont des bêtes qui n’aiment que le sang, et qui savent par l’expérience que ce liquide ne coule pas de la saignée après la mort. Voilà pourquoi elles méprisent souverainement le cadavre, et pourquoi, dans l’espèce, notre canard fut sauvé… Maintenant qui avait pu révéler à l’innocente volatile, dans un âge aussi tendre, les mystères les plus profonds de l’organisme et le secret des secrets du furet ? »Toussenel.

  1. No. 587. — Aix sponsa. — Baird.
    Anas sponsa. — Audubon.