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cesse à reprendre leur liberté ; mais lorsque la captivité s’est perpétuée pendant plusieurs générations, l’instinct s’efface, l’animal devient familier. Aucun oiseau de basse-cour, l’Oie exceptée, n’est plus facile à nourrir :[1] il ne faut lui donner que de

  1. « On dit bête comme une oie, et l’on a très-grand tort ; l’oie n’est pas aussi bête qu’elle en a l’air ; elle est même l’emblème du paysan rusé. On ne dit pas bête comme un canard, et l’on a parfaitement raison ; car le canard est un animal plein de ressources et de malices, et qui cache parfaitement son jeu lorsqu’il a intérêt à le cacher. Je l’ai vu nicher sur les chênes quand il trouvait à sa convenance un bon nid de corbeau qui lui épargnait la peine d’en construire un de son propre bec ; et dans ce cas, il n’est aucunement embarrassé de mener ses petits à la mare ou à la rivière : la mère les prend délicatement par la peau du cou et les transporte à l’eau l’un après l’autre. On sait que dans cette espèce, c’est la femelle qui porte les culottes, et que le mâle se contente de jouer le rôle du mari ensorcelé. Le mariage, du reste, est un contrat qui n’engage aucun des contractants…
    « Le canard est un goinfre de la famille du porc ; il a un appétit qui lui sert de chronomètre et lui faire dire à la minute près les grandes heures du jour, c’est-à-dire les heures où l’on dîne. La montre du renard lui-même, qui est excessivement soigneux de ces détails, retarde presque toujours sur celle du canard, et l’oiseau est bête à en revendre au quadrupède en matière d’imposture.
    « On sait qu’un blaireau ou qu’un renard qu’on tire vivant du terrier fait volontiers le mort pour qu’on ne l’achève pas, et réussit parfois, au moyen de ce mensonge, à tromper le chasseur novice. On n’est pas sans avoir entendu parler non plus du procédé suprême qu’emploient les chasseurs d’ours qui ont manqué leur coup, et qui consiste à jouer aussi le personnage de cadavre et à se laisser retourner sans mot dire par la bête. Ces ruses, qui le croirait, sont familières au canard cauteleux, comme il sera prouvé par l’histoire qui suit :
    « Un monsieur avait un furet qui s’ennuyait d’être seul ; il lui apporta un jeune canard pour lui tenir compagnie. La bête scélérate s’avance aussitôt vers l’étranger pour lui souhaiter la bienvenue d’usage en lui ouvrant la jugulaire d’un coup de dent, d’après la méthode mustélienne. La pauvre volatile, que ce début chagrine, essaye d’éviter l’accolade et fuit d’abord dans toutes les direc-